1. La pluie n’est jamais totalement “pure”
Même dans un environnement très peu pollué, la pluie n’a pas un pH de 7 (neutre).
Elle est naturellement légèrement acide.
1.1 Le rôle du CO₂
L’air contient du dioxyde de carbone (CO₂).
Quand la pluie se forme dans les nuages :
le CO₂ se dissout dans les gouttes d’eau,
il forme de l’acide carbonique (H₂CO₃),
ce qui abaisse légèrement le pH de l’eau.
Résultat :
même une pluie “propre” a généralement un pH autour de 5,6 (légèrement acide).
On parle de pluie acide quand le pH descend en dessous de cette valeur, par exemple 4,5 – 4,0, voire moins dans les cas extrêmes.
C’est là qu’interviennent les activités humaines et certains phénomènes naturels.
2. Les principaux responsables : SO₂ et NOₓ
La cause principale de la pluie acide, ce sont deux familles de gaz polluants :
le dioxyde de soufre (SO₂),
les oxydes d’azote (NOₓ), principalement le NO et le NO₂.
2.1 D’où vient le dioxyde de soufre (SO₂) ?
Le SO₂ provient surtout de :
la combustion de charbon et de fioul lourd (centrales électriques, industries),
certaines raffineries,
certaines installations industrielles (sidérurgie, métallurgie),
parfois des volcans (source naturelle, mais localement importante).
Quand ces activités sont concentrées dans une région, de grandes quantités de SO₂ sont émises dans l’atmosphère.
2.2 D’où viennent les oxydes d’azote (NOₓ) ?
Les NOₓ sont produits dès qu’on a une combustion à haute température :
moteurs de voitures, camions, bus,
avions, navires,
centrales thermiques,
installations de chauffage.
Les zones à fort trafic routier et les régions très industrialisées en émettent beaucoup.
3. Ce qui se passe dans l’atmosphère : transformation en acides
Une fois émis, ces gaz ne restent pas “tels quels” dans l’air.
3.1 Le SO₂ devient acide sulfurique
Dans l’atmosphère, le SO₂ :
réagit avec l’oxygène,
puis avec l’eau (sous forme de vapeur ou dans les gouttes de nuage),
pour former des acides sulfureux et sulfurique (H₂SO₃, H₂SO₄).
Ces acides sont fortement acides une fois dissous dans l’eau des nuages ou des gouttes de pluie.
3.2 Les NOₓ deviennent acide nitrique
Les NOₓ, de leur côté :
réagissent avec l’oxygène et d’autres composants de l’air,
forment notamment de l’acide nitrique (HNO₃).
Lui aussi se dissout facilement dans l’eau des nuages et contribue à rendre la pluie acide.
4. De l’air au sol : pluie, neige, brouillard, dépôts secs
Les acides issus de SO₂ et NOₓ peuvent atteindre le sol de deux manières principales :
Dépôt humide :
la pluie, la neige, le brouillard contiennent déjà ces acides,
ils les apportent directement au sol, aux lacs, aux forêts.
Dépôt sec :
les gaz et particules acides se déposent sur les surfaces (feuilles, sols, bâtiments),
puis la pluie suivante les lessive et les entraîne.
Dans les deux cas, le résultat est le même :
l’air se “nettoie”, mais la pollution chimique est transférée vers les milieux naturels.
5. Pourquoi certaines régions sont-elles plus touchées que d’autres ?
Toutes les régions n’émettent pas les mêmes quantités de SO₂ et NOₓ, et l’atmosphère ne les transporte pas de la même manière partout. Plusieurs facteurs expliquent les différences régionales.
5.1 Proximité des grandes sources d’émission
Les régions avec :
beaucoup de centrales au charbon ou au fioul,
une forte densité industrielle,
un trafic routier intense,
de grandes zones portuaires (navires brûlant des carburants soufrés),
sont logiquement plus exposées :
soit directement (pluie acide “locale”),
soit comme zones de départ de grandes masses d’air pollué.
Les grandes régions industrielles ont longtemps été des “points chauds” de pluie acide.
5.2 Les vents transportent la pollution loin… parfois très loin
Le SO₂ et les NOₓ peuvent rester en suspension plusieurs heures à plusieurs jours.
Pendant ce temps, le vent peut les transporter sur des centaines, voire des milliers de kilomètres.
Conséquence :
une région peu industrialisée peut recevoir de la pluie acide provenant de la pollution d’une autre région ou d’un autre pays,
les vents dominants et les systèmes météo (dépressions, anticyclones) déterminent où la pollution va finir par se déposer avec la pluie.
C’est pour ça qu’on parle souvent de problème transfrontalier :
un pays peut subir des pluies acides alors que la majorité des émissions viennent… d’ailleurs.
5.3 Le relief et les régions de fortes précipitations
Les zones :
de montagne,
ou de fortes précipitations,
peuvent recevoir davantage de dépôts acides simplement parce qu’il y pleut plus souvent ou plus abondamment.
Les nuages y sont “essorés” sur les reliefs (effet orographique), ce qui accentue le dépôt des polluants.
Résultat :
certains massifs montagneux, forêts en altitude ou régions très pluvieuses peuvent être particulièrement vulnérables,
même si leurs propres émissions locales sont modestes.
5.4 Les grandes villes : pollution locale, effet combiné
Dans les grandes agglomérations, on a :
beaucoup de NOₓ (trafic),
parfois encore des émissions de SO₂ (chauffage, industrie, port),
des conditions météo parfois favorables à l’accumulation (inversions de température, peu de vent).
La pluie qui tombe dans et autour de ces villes peut être plus acide, surtout lors d’épisodes de pollution.
Cependant, les villes sont aussi souvent sous l’influence de masses d’air plus larges : il ne s’agit pas seulement d’un phénomène “hyper local”.
6. Pourquoi la pluie acide pose-t-elle problème ?
Même si la question porte sur le “pourquoi certaines régions”, comprendre les effets aide à saisir l’importance du phénomène.
6.1 Effets sur les milieux naturels
Lacs et rivières :
l’acidification peut perturber gravement la vie aquatique,
certaines espèces de poissons, d’invertébrés, de plantes aquatiques disparaissent si le pH baisse trop.
Sols :
la pluie acide peut lessiver des nutriments essentiels (calcium, magnésium…),
libérer des métaux toxiques comme l’aluminium, qui devient plus soluble en milieu acide,
affaiblir les forêts, qui deviennent plus sensibles aux maladies, au froid, à la sécheresse.
6.2 Effets sur les bâtiments et les monuments
La pluie acide attaque les pierres calcaires et les matériaux sensibles,
accélère la corrosion des métaux,
abîme les monuments, statues, façades.
Certaines régions ont constaté des dégâts considérables sur leur patrimoine bâti.
7. Pourquoi la situation varie dans le temps ?
Un dernier point : la pluie acide n’est pas figée.
Dans certaines régions du monde, elle a diminué là où :
les émissions de SO₂ et de NOₓ ont été réduites (filtres, changement de combustibles, réglementation),
certaines centrales au charbon ont été fermées ou équipées de désulfurisation.
Dans d’autres, en revanche, l’industrialisation rapide, l’usage massif de combustibles fossiles ou le manque de normes peuvent maintenir, voire augmenter, le risque de pluie acide.
C’est donc un phénomène régional ET évolutif, lié :
au niveau de pollution atmosphérique,
aux choix énergétiques et industriels,
à la météo et à la circulation atmosphérique.
8. En résumé
Pour répondre clairement à :
“Pourquoi la pluie peut-elle être acide dans certaines régions ?”
La pluie est naturellement légèrement acide (pH ~5,6) à cause du CO₂.
Elle devient nettement plus acide quand l’air contient beaucoup de :
dioxyde de soufre (SO₂),
oxydes d’azote (NOₓ),
qui se transforment dans l’atmosphère en acides sulfurique et nitrique, dissous dans l’eau des nuages.
Certaines régions sont plus touchées parce que :
elles émettent beaucoup de SO₂ et de NOₓ (industrie, centrales, trafic),
elles se trouvent sous le vent de grandes zones polluantes (transport à longue distance),
elles reçoivent beaucoup de pluie ou sont en montagne, ce qui accentue le dépôt des polluants,
ou combinent plusieurs de ces facteurs.
La pluie acide nettoie l’air, mais pollue les sols et les eaux :
acidification des lacs et rivières,
appauvrissement et déséquilibre des sols,
atteintes aux forêts,
dégradation des bâtiments et monuments.
En bref :
la pluie est acide dans certaines régions parce que l’atmosphère au-dessus d’elles est plus chargée en polluants soufrés et azotés, issus surtout des activités humaines, et que la météo et le relief favorisent leur transformation en acides… puis leur dépôt avec la pluie.