1. Toutes les pluies ne sont pas “étalées” de la même façon
D’abord, il faut distinguer deux grands types de précipitations :
Les pluies “stratiformes” :
liées à de grands nuages en couche (nimbostratus),
souvent associées à des perturbations,
qui couvrent de larges régions.
→ Elles donnent généralement une pluie relativement uniforme sur des dizaines ou centaines de kilomètres.
Les pluies convectives, c’est-à-dire les averses :
liées à des nuages verticaux (cumulus congestus, cumulonimbus),
qui naissent, grossissent et meurent sur des zones beaucoup plus petites,
et en peu de temps.
→ Elles donnent des pluies très localisées, parfois ultra-intenses, avec un contraste énorme entre une commune et la suivante.
Ta question concerne surtout ce deuxième cas : les averses convectives.
2. Un cumulonimbus, ce n’est pas une perturbation : c’est une “cellule”
Une averse forte vient souvent d’un seul nuage ou d’un petit groupe de nuages :
un cumulus congestus (gros cumulus bien développé),
ou un cumulonimbus (nuage d’orage).
Ces nuages :
peuvent faire plusieurs kilomètres de large,
mais ce n’est pas grand-chose à l’échelle d’une région,
ils se déplacent selon le vent,
et surtout, leur zone de pluie intense (le “cœur” de l’averse) est parfois très restreinte.
Par exemple :
Un cumulonimbus peut arroser une bande de 2 à 5 km de large avec une pluie diluvienne.
5 km plus à l’est ou à l’ouest, il peut ne tomber que quelques gouttes… ou rien du tout.
Résultat :
Une ville est sous la “colonne de pluie”, la ville voisine est juste à côté… donc totalement au sec.
3. Une averse, c’est comme une tâche de peinture qui se déplace
Imagine que tu regardes une carte vue du ciel.
Un cumulus congestus ou un orage, c’est un peu comme une tache de peinture :
de forme irrégulière,
de quelques kilomètres de diamètre,
qui se déplace portée par le vent en altitude.
Sur son trajet :
là où la tache passe → il pleut fort,
juste à côté de la tache → il ne tombe presque rien.
Si le nuage passe pile au-dessus de Ville A :
Ville A prend une averse énorme, 20 mm en 20 minutes, rues inondées.
Si Ville B est juste un peu décalée :
la tache ne la touche pas,
au mieux quelques gouttes sur les bords → impression “il n’a pas plu”.
Et comme ces cellules orageuses peuvent naître, mourir et se réorganiser très vite, tu peux avoir :
un quartier sous des trombes d’eau,
pendant que 3 km plus loin on te dit : “Chez nous, rien du tout…”
4. L’échelle des averses : le “micromonde” de la pluie
Les perturbations océaniques jouent à l’échelle de centaines de kilomètres.
Les averses, elles, jouent à l’échelle de :
quelques kilomètres,
voire parfois quelques quartiers.
C’est ce qu’on appelle l’échelle locale ou “méso-échelle fine” en météo.
Concrètement :
Une bande de 2–3 km de large avec 40 mm de pluie,
entourée de zones qui reçoivent 0 à 2 mm.
Sur une carte radar de pluie :
Tu verrais des taches colorées (fortes intensités) très isolées,
perdues dans des zones quasiment vides.
C’est exactement ce qui se passe quand :
“Dans ma ville c’est la tempête, chez le voisin 5 km plus loin le sol est à peine mouillé.”
5. Le rôle des ascendances locales : une petite différence peut tout changer
Pour qu’une averse se forme, il faut un nuage convectif :
de l’air chaud et humide qui monte, se refroidit, condense, forme un cumulus, puis un cumulonimbus.
Mais l’endroit précis où ces bulles d’air chaud se déclenchent peut dépendre de détails locaux :
une zone urbaine qui chauffe plus le sol,
un champ fraîchement labouré,
un petit relief,
la convergence de brises (brise de vallée, de mer, vent de plaine…).
Il suffit parfois que :
l’air monte davantage au-dessus d’un secteur plutôt qu’un autre,
pour que la cellule orageuse naisse là et pas 10 km plus loin.
Résultat :
Ville A est située pile là où la convection est la plus forte → nuage qui explose → grosse averse.
Ville B, un peu à côté, reste en marge → quelques nuages, un peu de vent, mais pas de précipitation.
6. Les villes elles-mêmes peuvent jouer un rôle
Les zones urbaines créent parfois des microclimats :
îlots de chaleur urbains : bâtiments, routes et toits absorbent davantage de chaleur et la restituent → l’air au-dessus de la ville peut être un peu plus chaud qu’aux alentours.
Ce surplus de chaleur peut favoriser les ascendances locales, donc la formation ou le renforcement de certains nuages convectifs.
Ce n’est pas toujours le cas, et ce n’est pas une règle absolue, mais dans certaines configurations :
une cellule orageuse peut se former ou se renforcer en passant au-dessus ou à proximité d’une agglomération.
Cela peut contribuer à concentrer la pluie sur une ville en particulier.
Pendant ce temps, une petite commune voisine, moins urbanisée, peut être moins concernée.
7. La trajectoire des cellules : un “couloir de pluie” très étroit
Quand un orage ou une averse est déjà formé(e), il suit une trajectoire dictée par :
les vents en altitude,
la structure de la masse d’air,
parfois la présence de relief ou de lignes de convergence.
On peut se retrouver avec un couloir de pluie :
qui passe systématiquement sur un axe particulier (par exemple le long d’une vallée),
et qui laisse des zones latérales étonnamment épargnées.
D’où les témoignages du genre :
“Il pleut tout le temps sur X, mais Y à côté est toujours épargnée !”
C’est parfois une impression (on retient surtout les épisodes marquants), mais parfois aussi une vraie conséquence de la répartition des trajectoires sur le relief et les courants dominants.
8. Pourquoi c’est surtout vrai pour les averses d’orage
Ce phénomène de contraste extrême entre une ville et la voisine est particulièrement typique :
des journées d’averses et d’orages,
quand la météo annonce : “averses localement fortes”,
et non “pluies continues”.
Dans un épisode de pluie stratiforme (longue perturbation, ciel gris uniforme) :
les différences entre villes sont beaucoup plus faibles :
peut-être 12 mm ici, 15 mm là, 18 mm ailleurs,
mais rarement 0 mm vs 40 mm à 5 km d’écart.
Dans un épisode orageux :
0 mm à un endroit,
50 mm à 3 km,
80 mm à 10 km,
et de nouveau presque rien 10 km plus loin,
sont des situations tout à fait normales.
9. En résumé
Pour répondre clairement à :
“Pourquoi les averses peuvent être très fortes dans une ville et inexistantes dans la ville voisine ?”
Parce que les averses viennent de nuages convectifs (cumulus congestus, cumulonimbus) qui :
sont petits à l’échelle d’une région (quelques km),
produisent des pluies très localisées,
se déplacent comme des “taches” de pluie dans l’espace.
Une seule averse peut :
arroser très fortement une bande étroite,
laisser les zones légèrement décalées quasiment sèches.
L’endroit précis où une cellule se forme ou se renforce dépend de :
petites différences de chauffe du sol,
relief,
microclimat urbain,
convergence des vents.
La trajectoire de ces cellules suit les vents et le relief, créant parfois de véritables couloirs de pluie, alors que les villes à côté restent au sec.
En bref :
Les averses d’orage sont des phénomènes très localisés. À l’échelle de quelques kilomètres, on peut passer du déluge total… au “pas une goutte”, simplement parce que la cellule orageuse n’est pas passée exactement au même endroit.