1. Pourquoi a-t-on besoin de modèles numériques ?
Avant l’ère des ordinateurs, la prévision météo reposait surtout sur :
l’observation (stations, cartes, nuages),
l’expérience des météorologues,
des règles empiriques (si telle dépression est là, alors il se passera ceci).
Le problème : l’atmosphère est un fluide chaotique, en mouvement permanent, sur des milliers de kilomètres.
Impossible, même pour le meilleur expert, de “calculer à la main” ce qui va se passer en 3D dans toute l’atmosphère.
D’où l’idée :
et si on faisait faire ces calculs… à un ordinateur ?
C’est là qu’apparaissent les modèles de prévision numérique du temps :
ils traduisent les lois de la physique en équations mathématiques,
puis les résolvent sur d’énormes grilles de calcul,
pour savoir comment l’atmosphère va évoluer.
Aujourd’hui, toutes les grandes prévisions météo (nationales, internationales, applis, sites) reposent sur ces modèles.
2. L’idée de base : découper l’atmosphère en petites cases
L’atmosphère, c’est un fluide continu : il y a de l’air partout, sans “cases” dans la réalité.
Mais un ordinateur, lui, a besoin de travailler avec des points et des mailles.
2.1 Une grille en 3D
Le modèle découpe donc :
la surface de la Terre en cases horizontales (comme un quadrillage),
et l’atmosphère en couches superposées (du sol jusqu’à la haute atmosphère).
On obtient une grille 3D :
chaque petit volume (une “case”) a une certaine :
pression,
température,
humidité,
vent (direction et vitesse), etc.
Par exemple, un modèle global peut avoir :
une maille horizontale de l’ordre de 10 à 25 km (voire moins pour les plus récents),
plusieurs dizaines de niveaux en altitude.
Plus la maille est fine, plus le modèle peut représenter les détails (relief, orages locaux, brises, etc.)…
mais plus il demande de puissance de calcul.
2.2 Chaque case est comme une mini-station météo virtuelle
Dans chaque “case”, le modèle connaît :
l’état de l’air à un instant donné,
puis il va calculer comment cet état change :
l’air se réchauffe ou se refroidit ?
monte ou descend ?
s’humidifie ou se dessèche ?
est poussé par le vent vers telle ou telle direction ?
C’est ça, le cœur du modèle.
3. Les lois de la physique au cœur du modèle
Un modèle numérique n’est pas une boule de cristal 😄 :
il applique des équations physiques bien connues, notamment :
les équations du mouvement des fluides (comme pour l’eau, mais ici pour l’air),
la loi des gaz parfaits (relation entre pression, température, densité),
les équations de la thermodynamique (échanges de chaleur, condensation, évaporation…),
des lois pour la radiation (échanges d’énergie avec le Soleil et l’espace),
des schémas pour traiter :
la formation des nuages,
la pluie, la neige, la grêle,
les échanges avec la surface (sol, végétation, mer).
Tout cela se traduit par des systèmes d’équations différentielles très complexes.
L’ordinateur ne peut pas les résoudre exactement :
il les approxime en faisant des pas de temps très petits (quelques secondes à quelques minutes) et en recalculant l’état de chaque case à chaque pas.
4. D’où viennent les données que le modèle utilise ? (assimilation)
Pour démarrer une prévision, le modèle a besoin d’un point de départ, un peu comme une vidéo a besoin de sa première image.
Ce “point de départ”, c’est l’état actuel de l’atmosphère, qu’on estime en combinant :
les mesures des stations au sol (température, vent, pression, humidité),
les données des radiosondages (ballons-sondes qui montent dans l’atmosphère),
les observations de satellites (nuages, vapeur d’eau, température en altitude, vents),
les données des radars,
des avions, des navires, des bouées…
Mais ces observations :
ne couvrent pas parfaitement toute la planète,
ne sont pas toutes faites au même instant,
contiennent parfois des erreurs.
Les centres météo utilisent donc une étape intermédiaire appelée assimilation de données :
c’est un processus mathématique qui combine les observations et les prévisions précédentes du modèle
pour obtenir la meilleure estimation possible de l’état initial.
Une fois qu’on a cet état initial, le modèle peut “lancer” sa simulation vers le futur.
5. Comment le modèle avance pas à pas dans le temps ?
Une fois l’état initial connu (par exemple à 00h), le modèle procède ainsi :
Il regarde l’état de chaque case (T°, vent, humidité, pression…).
Il calcule, à partir des équations physiques, comment ces variables vont évoluer pendant un très court laps de temps (par ex. 5 minutes).
Il met à jour les valeurs → nouvel état à t + 5 min.
Il recommence, encore et encore, jusqu’au terme de la prévision ( + 6 h, + 24 h, + 3 jours, + 10 jours, etc.).
À la fin, on obtient :
un ensemble de cartes à différentes échéances :
pression,
vent,
nuages,
pluie,
neige,
températures, etc.
Ces sorties brutes du modèle sont ensuite :
interprétées par les météorologues,
ou transformées en produits pour le grand public (pictogrammes, appli, bulletins…).
6. Résolution : pourquoi le modèle ne voit pas tout en détail
Comme la grille a une taille de maille (par exemple 10 km), le modèle ne voit pas ce qui est plus petit que cette maille.
Par exemple :
un orage isolé d’1 ou 2 km de large,
une petite vallée,
un îlot urbain très localisé,
sont en partie “moyennés” dans la case.
Du coup :
un modèle global peut dire : “forte instabilité, orages probables dans telle région”,
mais il ne saura pas toujours dans quel village précis il va tomber une averse à 16h32.
Pour mieux voir les phénomènes locaux, on utilise des modèles à plus haute résolution (mailles de 1 à 3 km), mais sur des zones plus petites (par exemple seulement sur l’Europe de l’Ouest).
Plus la résolution est fine :
plus de détails,
mais aussi plus de calcul → il faut de gros superordinateurs.
7. Un seul modèle ou plusieurs ? Les prévisions d’ensemble
Même avec des lois physiques parfaitement connues, la prévision météo reste incertaine :
parce qu’on ne connaît jamais exactement l’état initial,
parce que de petits détails peuvent se transformer en grands écarts (phénomène chaotique).
Pour mieux gérer cette incertitude, on utilise :
des prévisions d’ensemble (ensemble forecasts).
Concrètement :
on fait tourner le même modèle plusieurs fois,
avec des conditions initiales légèrement différentes,
ou avec des paramètres physiques légèrement modifiés.
On obtient alors :
un ensemble de scénarios possibles,
avec des résultats parfois proches, parfois assez différents.
Les météorologues peuvent ainsi :
estimer la fiabilité d’une prévision (tous les scénarios vont dans le même sens ou pas ?),
calculer des probabilités (ex : 70 % de chances de pluie, 30 % de chances que ça passe à côté),
mieux anticiper les extrêmes possibles (scénarios les plus pluvieux, les plus venteux, etc.).
8. Les limites des modèles numériques
Un modèle numérique est un outil très puissant, mais il a des limites :
Qualité des observations de départ
Si l’état initial est mal connu (peu de données sur une région, erreurs d’observation),
la prévision peut partir avec un “handicap”.
Résolution limitée
Les phénomènes de petite échelle (orages isolés, brouillards très locaux, petites rafales, etc.) peuvent être mal représentés,
ou apparaître de façon plus “diffuse” que dans la réalité.
Simplifications physiques
Certains processus (formation des nuages, précipitations, turbulence) sont très complexes,
ils sont décrits de manière approximative par des “paramétrisations”.
Comportement chaotique de l’atmosphère
Au-delà d’un certain nombre de jours (souvent 7 à 10 jours),
les prévisions deviennent de plus en plus incertaines,
on ne parle plus de détails, mais de tendances générales (plus chaud/froid que la normale, plus humide/sec, etc.).
C’est pour ça que les modèles ne remplacent pas les météorologues :
les humains restent très importants pour interpréter, contrôler et expliquer les résultats.
9. En résumé
Pour répondre clairement à :
“Qu’est-ce qu’un modèle de prévision numérique du temps ?”
C’est un programme informatique qui simule l’atmosphère en appliquant les lois de la physique.
Il découpe la Terre et l’atmosphère en petites cases (une grille en 3D),
puis calcule, pas à pas, comment évoluent :la pression,
le vent,
la température,
l’humidité,
les nuages,
la pluie, etc.
Il a besoin :
d’un état initial de l’atmosphère (construit à partir des observations : stations, satellites, radars, ballons…),
puis il fait “avancer le film” dans le temps à l’aide d’équations.
Ses résultats sont :
des cartes et des champs de variables,
qui sont ensuite interprétés par les météorologues,
et transformés en prévisions pour le grand public (les fameux pictogrammes sur les applis).
En bref :
un modèle de prévision numérique du temps, c’est le “cerveau mathématique” de la météo moderne,
sans lequel il serait impossible de prévoir de façon fiable l’évolution du temps sur plusieurs jours.